La longue lutte des Contrats Aidés en Guadeloupe

Bitin Caraibe - 27/11/2010
Image:La longue lutte des Contrats Aidés en Guadeloupe

Un an après, où en est-on ?
par Éliane Paul-Di Vincenzo

La grève générale menée par le LKP
en 2009 avait remis sur la sellette et
renforcé la bagarre entamée par les
Contrats Aidés dès la fin 2007.

Maintenant soutenus par la CGTG,
qui a rejoint la FSU, ils se sont
constitués en Collectif “Contrats
Aidés et Précaires” du LKP et ont été
mobilisés de mars 2009 à fin juillet
2009 sans discontinuer.

Leurs luttes incessantes avaient permis de reconduire
tous les contrats de celles et ceux qui en faisaient la
demande, et de porter leur quotité horaire à
26 heures hebdomadaires au lieu de 20, ce qui leur
faisait gagner environ 200 euros mensuels de plus.

Un
Protocole d’accord était signé, avec l’aval du Préfet, entre
Pôle Emploi et le Collectif, qui entérinait le réemploi de
touTEs, leur garantissait la possibilité d’enchaîner un CAV à
un CAE, ainsi que la mise en place par leurs employeurs
d’une formation qualifiante, voire diplômante.
De leur côté, les collectivités locales s’engageaient à
titulariser, dans les deux ans, tous les personnels
précaires en poste au 31 décembre 2009.

Un an après, où en est-on ?

L’opiniâtre résistance des employeurs

Dès septembre 2009, les différents employeurs, confortés
par l’arrivée massive de troupes de métropole, affichent
leur désir de revanche, après des grèves et occupations
qui les avaient plus que rudoyés, et durcissent le ton. Ce sont
d’abord le Conseil Régional - présidé par un socialiste
prêt à faire allégeance à Sarkozy - et le Rectorat - où le
nouveau recteur a donné carte blanche à son chef de
cabinet, Guadeloupéen, ancien dirigeant de l’UNSA,
décidé à en découdre avec les grévistes - qui refusent de
reconnaître toute légitimité aux membres du LKP et qui
vont bafouer sans cesse les accords passés.

Ce sont
ensuite les employeurs privés qui reprennent du poil de
la bête et qui repartent plus que jamais dans leurs pratiques
mafieuses. C’est enfin Pôle Emploi qui couvre tous ces
agissements et signe de nouveaux contrats ou accepte
des comportements qui ne respectent pas le Protocole
d’accord.

Il s’agit, pour tous ces tenants de l’ordre établi et du pouvoir,
de signifier à l’opinion, et aux militantEs toujours
mobiliséEs, que le temps du LKP est révolu et que les acquis
ont été extorqués par la force, rejoignant ainsi la position
du MEDEF local. Il s’agit, aussi, d’opérer une reprise en
main sociale et politique, préparant les prochaines consultations électorales, dont celle sur l’autonomie,
conçue pour balayer toutes les velléités indépendantistes.
Et l’omnipotent Président du Conseil Régional y tient
encore plus que Sarkozy !

Bien entendu, face à ce durcissement, il a fallu réagir et
ce, d’autant plus que les abus se sont multipliés. Avant
même la rentrée, les Contrats aidés se réunissent donc
et décident de reprendre le combat.

Les luttes contre les collectivités locales

Si le Conseil Régional permet peu de prise, vu son refus
de dialogue et de transparence sur la titularisation des
précaires qui dépendent de sa compétence, le Conseil
Général, lui, a mis en place dès mai 2009 une commission
"Ad Hoc", incluant tous les syndicats et le Collectif pour
réaliser cette titularisation. Par ailleurs, dans sa pratique
du dialogue, il fait preuve d’une plus grande écoute,
pour ne pas dire d’une plus grande démocratie. Or, à la
rentrée 2009, des problèmes de réemploi se posent
pour des Contrats aidés des collèges, comme des lycées.

La première bagarre, donc, va prendre pour cible le
Conseil Général et consister à manifester devant ses
locaux puis à les occuper. Le Directeur Général des
Services est alors contraint de recevoir touTEs les
manifestantEs et de céder à leurs revendications. Non
seulement, les personnes dont les contrats n’ont pas été
reconduits se voient proposer le renouvellement, mais
aussi d’autres personnes sans ressources et avec des
situations sociales difficiles vont se voir proposer une
embauche. Par ailleurs, nous décrochons dans la foulée
une réunion rapide de la commission "Ad Hoc".

Cela ne veut pas dire pour autant que ces acquis se
mettront en place sans pressions. Certains renouvellements
traînent, parfois du fait de la mauvaise volonté des
responsables des collèges concernés, parfois du fait de celle
du directeur de l’Agence Départementale d’Insertion qui
signe ces contrats. Contre les uns et les autres, il faudra
mobiliser et, fin octobre, tout rentre dans l’ordre : les
personnels sont réemployés et leurs contrats signés Réunie début octobre, la commission "Ad Hoc", elle aussi,
traîne des pieds. D’une part, parce que l’Administration
voudrait limiter les représentantEs du Collectif, d’autre
part parce qu’elle voudrait imposer des critères de classement
que nous récusons (comme l’avis de l’employeur) pour
n’accepter que l’ancienneté (et l’âge pour départager),
enfin parce que la CGTG territoriaux ne voudrait intégrer
que des contrats aidés ayant exercé seulement en collèges.
Vu le rapport de forces (nous avons imposé six
représentantEs du Collectif et touTEs les militantEs
présentEs ont pénétré dans la salle de réunion), Conseil
Général comme CGTG cèdent.

Mais, il s’agit ensuite d’obtenir l’état de services de toutes
les personnes concernées et l’Administration, qui s’était
alignée sur la position de la CGTG maison, doit les refaire.

Rendez-vous est donc pris pour le mois suivant. En fait, il
faudra attendre le 19 décembre pour se revoir. Cependant,
le calendrier de stagiairisation et de titularisation des
contractuelLEs établi, il s’agira alors de mettre en place
celui des Contrats Aidés.

Lors de la réunion de décembre, nous est présenté un
classement en deux colonnes - l’une reprenant la
demande de la CGTG, l’autre uniquement l’ancienneté
globale - sans aucune pièce justificative. Nouveau tollé,
nouveau report. L’Administration décide d’accorder à
toutes les parties un délai jusqu’au 31 janvier 2010 pour
vérifier et corriger si besoin ce classement. Depuis,
comme aucun autre partenaire que le Collectif ne s’est
manifesté, le Conseil Général n’a provoqué aucune autre
réunion malgré la protestation de l’Assemblée Générale
des Contrats Aidés et celles de la FSU, de la CGTG et du LKP.

Nul doute qu’il faudra mobiliser sérieusement en septembre
pour aboutir sur cette lutte. Si touTEs les contractuelLEs
(une trentaine) ont de bonne chances d’être titulariséEs,
il n’en est pas de même pour les Contrats Aidés qui
représentent le gros de la troupe (113) !
Contre le Conseil Régional aussi, des actions ont été
menées, malgré les difficultés. D’abord, contre des nonrenouvellements
de contrats, ensuite sur la titularisation
des précaires. Ces luttes sont particulièrement difficiles
parce que le président du Conseil Régional a définitivement
fermé sa porte à tout ce qui émane du LKP : non seulement,
toutes les grilles se ferment à notre approche, mais surtout ses
vigiles privés se montrent d’une efficacité toute particulière ;
et, s’il nous est arrivé de pouvoir franchir les grilles et d’y
faire pénétrer touTEs les camarades présentEs, il nous a
été très difficile d’être reçuEs. Il faut dire que les medias
locaux ne nous aident pas : aucun d’eux ne s’est jamais
déplacé, lorsqu’il s’agissait du sacro-saint Conseil Régional,
malgré notre nombre et notre détermination !

Nous avons pu, cependant, obtenir deux audiences sur
des cas de non-renouvellement de contrats et il nous a fallu
faire preuve de la plus grande pugnacité pour que l’un
d’entre eux soit reconduit (lutte de septembre à janvier) ;
mais sur la titularisation nous n’avons pu être informéEs
que du nombre d’intégréEs, sans autre précision.

Devant cette difficulté, nous avons décidé, en fin d’année,
de mener une réflexion spécifique sur la lutte contre les
agissements du Conseil Régional.

La lutte contre les Administrations Centrales

L’Éducation Nationale est, certainement, l’Administration
qui nous a donné le plus de fil à retordre. D’une part, parce que le Recteur brille par son absence ou sa peur
d’assumer ses responsabilités ; d’autre part, parce qu’il a
délégué ses pouvoirs à un chef de cabinet qui est un local,
retors, imbu de sa personne, qui veut en découdre avec le
mouvement syndical contestataire dont il est pourtant
issu.

Au prétexte d’un langage peu châtié à son encontre,
il a quitté la seule réunion qu’il a bien voulu nous accorder
dans l’année, nous laissant en compagnie de ses adjointEs
qui n’ont pu s’engager sur rien. Enfin, parce qu’il a
recruté des personnels, rattachés aux établissements de
gestion des contrats aidés, qui, bien que chargés d’appliquer
les accords passés, les ignorent totalement. Ces "gestionnaires"
refusent donc le réemploi au-delà des délais autorisés
nationalement (et ce malgré une circulaire préfectorale
dérogatoire obtenue avec l’accord de l’Administration
Nationale), s’opposent à tout nouveau contrat consécutif
à un CAE. Enfin, et surtout, ne proposent - et c’est un comble
dans l’Éducation ! - aucune formation aux personnels
recrutés.

Comme Pôle Emploi est co-signataire du Protocole engageant
l’Éducation Nationale, c’est sur ses services que se sont
reportées nos actions. Là aussi, la résistance a été de mise.

Malmené l’an passé, son directeur a, lui aussi, tenté de
nous en faire payer le prix. Mais, la ténacité du Collectif,
d’une part, et l’opposition interne à ses services, très largement
syndiquée à l’UGTG d’autre part, ont permis d’aboutir
sur certaines revendications : d’une part, l’Éducation s’est
vu dans l’obligation de mettre en place des formations
pour tous les Contrats aidés qu’elle avait embauchés, avec
rétroactivité pour ceux recrutés les années précédentes ;
d’autre part, en traînant les pieds, certes, Pôle Emploi a
ouvert une cellule de reclassement des Contrats aidés, destinée
à leur proposer une formation diplômante ou un
emploi. Pour ce faire, l’Administration a fait appel à
des personnels volontaires et en a recrutés parmi les
Contrats aidés même. Cette cellule, prévue pour mars, puis
mai, est finalement entrée en fonction le 17 juin 2010,
sous la vigilance du Collectif.

Reste une lutte spécifique contre Pôle Emploi : l’indulgence
ou la complicité dont elle fait preuve face aux
employeurs-voyous. L’an dernier, il avait fallu se battre
contre des responsables de soi-disant entreprises d’aide à
la personne qui encaissaient les subventions de l’État,
mais qui ne payaient pas leurs Contrats aidés. À plusieurs
reprises, il a fallu engager des actions en prud’hommes
pour les dénoncer, parallèlement au signalement, étayé
de dossiers remis à Pôle Emploi. Or, cette année, non
seulement certains de ces employeurs ont réembauché
des contrats aidés, en nombre plus important, mais ont
récidivé dans le non-paiement des salaires. Manifs,
occupations des entreprises et de Pôle Emploi, avec, cette
fois, l’appui des medias, ont permis de dénouer certaines
situations, mais d’autres traînent encore devant les tribunaux.

On le voit, les adversaires sont coriaces. Dans ce pays, au
passé si douloureux en la matière, les pratiques esclavagistes
subsistent. Les nombreux Contrats aidés - dont le nombre
varie entre 5500 et 8500 - en font les frais, malgré leur
lutte déterminée et leur âpreté au combat. C’est un vrai
défi qui est lancé, à travers eux et à travers touTEs les
travailleurEs précaires, à l’ensemble des syndicats et, au-delà,
à toutes celles et tous ceux qui luttent pour éradiquer la
société capitaliste et tous ses avatars.

Relevons-le !

Éliane Paul-Di Vincenzo (Guadeloupe),
le 28 juillet 2010


La lutte contre la précarité en première ligne du combat contre le libéralisme

Un dossier de la revue Émancipation, à télécharger ci-dessous au format pdf :

SOMMAIRE :

• 60 ans de plans de titularisation/précarisation p. 9

• La Culture laboratoire de la précarité p. 12

• La Rochelle, une lutte dans un centre de loisirs p. 14

• Guadeloupe, la longue lutte des contrats aidés p.16

• Le Contrat unique d’insertion , nouvelle régression p.18

(Crédits photo : Émancipation)

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 27/11/2010

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