Billet d'humeur : Armons-nous de lectures essentielles !

12 novembre 2020 | Laurent Colantonio

 


 À l’heure où les libertés académiques, et plus particulièrement les sciences sociales et humaines sont menacées, il nous faut à nouveau rappeler la vocation première de l’intellectuel-le, qu’il/elle soit philosophe, sociologue ou comme nous, historien-ne, qui est celle d’exercer librement sa fonction critique.

Le mot « islamo-gauchiste » lancé contre ceux et celles qui réfléchissent davantage avec l’esprit d’analyse qu’avec leurs tripes (ou voire leurs préjugés et pré-supposés idéologiques) fait partie de ces triggers qu’affectionne particulièrement le vaincu des élections du 7 novembre aux États-Unis : ils ont pour but de déclencher une réaction épidermique qui n’a rien à voir avec la réflexion. Et il est vrai, comme l’a fait remarquer la tribune des quelques 2 000 chercheurs et chercheuses publiée dans Le Monde (4/11/20) à laquelle le CVUH s’est associé, qu’un tel mot évoque farouchement un autre trigger, celui de « judéo-bolchévique »…

En réaction à « l’appel des cents » indécents, je recommande donc vivement la lecture de l’ouvrage suivant : Comprendre, expliquer, est-ce excuser ? Plaidoyer pour les sciences humaines et sociales, sous la direction de Manuel Rebuschi et Ingrid Voléry, aux éditions du Croquant, 2019. 

"Le procès des Sciences Humaines et Sociales (SHS) semble avoir été rouvert à l'occasion des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, quand plusieurs déclarations publiques ont dénoncé la "culture de l'excuse" qui serait implicite aux tentatives d'explication ou de compréhension du djihadisme portées par ces disciplines. Quelles sont les distinctions à opérer entre comprendre, expliquer, justifier et excuser ? L'explication est-elle du même registre que la compréhension ? Les causes dissolvent-elles les raisons ? La compréhension exclut-elle le jugement moral ou politique ? Faut-il ou non considérer que les explications apportées par les sciences sociales puissent, à l'image des savoirs psychiatriques, constituer des "circonstances atténuantes" dont les juges, et la société plus largement, auraient à tenir compte ? Et comment situer cette condamnation de la "culture de l'excuse" dans l'histoire plus large des usages politiques des théories des SHS ?" (4e de couverture)

Les librairies sont hélas fermées, mais on peut acheter en ligne et, surtout, on peut recommander l’achat de l’ouvrage aux bibliothèques universitaires, ce qui devrait être un réflexe. Rappelons-nous que leur pouvoir d’achat a aussi celui de sauver de petites maisons d’édition !

Puisque les librairies n’ont pas été jugées « commerces essentiels », armons-nous de lectures essentielles !

Sonia Combe

 Site référencé:  CVUH

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