Côte d’Ivoire : vers un coup de force de Gbagbo ?

Bitin Caraibe - 3/12/2010
Image:Côte d'Ivoire : vers un coup de force de Gbagbo ?

Crise politique en Côte d’Ivoire
Gbagbo prêt à la guerre pour se maintenir au pouvoir ?

Élu en 2000 à l’issue d’un scrutin controversé dont avaient été exclus deux des principaux candidats - l’ex-président Henri Konan Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara - M. Gbagbo semblait si attaché au pouvoir qu’il y était resté en 2005, après la fin de son mandat, en invoquant la crise née de la partition du pays.

Les élections présidentielles avaient depuis été reportées à maintes reprises (6 fois)... pour finalement avoir lieu, avec les résultats que l’on connaît : l’annonce par la Commission électorale ivoirienne de la victoire d’Alassane Ouattara contredite par le Conseil Constitutionnel ivoirien - dirigé par un proche de Gbagbo -, ce dernier donnant - après avoir "annulé" le vote dans 9 départements - le président sortant gagnant.

Ce vendredi 3 décembre, les médias étrangers (radios, télés) ne sont plus diffusés en Côte d’Ivoire. Les frontières ont été fermées par le pouvoir.

Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a félicité vendredi Alassane Ouattara pour son élection à la Présidence de la Côte d’Ivoire et a appelé le Président sortant Laurent Gbagbo, battu au second tour du scrutin, à coopérer pour permettre une transition politique en douceur.

"Le Secrétaire général appelle le Président Laurent Gbagbo à contribuer au bien du pays et à coopérer à une transition politique en douceur dans le pays", a-t-il ajouté. "Le Secrétaire général souhaite souligner que la volonté du peuple ivoirien doit être respectée, et appelle tous les Ivoiriens à accepter le résultat certifié et à travailler ensemble dans un esprit de paix et de réconciliation pour la stabilité et la prospérité de leur pays".

Après avoir empêché la Commission électorale ivoirienne [1] de proclamer les résultats de l’élection présidentielle pendant plusieurs jours, le clan Gbagbo, par l’entremise du Conseil Constitutionnel et de son président, Paul Yao N’Dré, un proche de Gbagbo, justifie le "coup de force électoral" [2] du Président par le dépassement des délais constitutionnellement impartis à la Commission électorale pour déclarer les résultats...

Alors que des départs de feu sont signalés ce vendredi soir dans la capitale et dans plusieurs villes du pays, espérons que Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis plus de dix ans, ne sera pas tenté de mettre en œuvre "la politique du pire" pour se maintenir à la tête de l’état ivoirien : sans respect du processus électoral et du choix des électeurs, à l’actuelle crise politique va immanquablement succéder la reprise des violences que tous les Ivoiriens espéraient derrière eux.

Reste à savoir jusqu’où Laurent Gbagbo et ses proches sont-ils prêts à aller pour garder les commandes du pays...

Retour sur la fin du processus électoral

Ce jeudi 2 décembre, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, ont salué l’annonce, faite le jour même, des résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle par la Commission électorale indépendante (CEI) en Côte d’Ivoire et ont appelé les dirigeants ivoiriens à respecter ces résultats.

La Commission électorale ivoirienne avait en effet annoncé la victoire de l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara à l’élection présidentielle avec 54,1% des voix, devant le Président sortant Laurent Gbagbo (45,9%).

Le Secrétaire général de l’ONU avait alors "appelé le Conseil constitutionnel à lancer rapidement le processus de proclamation des résultats définitifs, en respectant la volonté de la population de Côte d’Ivoire, afin que son Représentant spécial puisse certifier ces résultats", selon un communiqué transmis par son porte-parole.

Ban Ki-moon aura été entendu... Le Conseil Constitutionnel proclamant aussitôt... Gbagbo vainqueur de l’élection présidentielle.

Laurent Gbagbo "est proclamé élu président de la Côte d’Ivoire" avec "51,45%" des suffrages, contre "48,55%" à son rival, selon les résultats définitifs annoncés par le président du Conseil, Paul Yao N’Dré, lors d’une déclaration à Abidjan.

Le Conseil constitutionnel, qui est dirigé par un proche du chef de l’État, a ainsi invalidé les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante (CEI), qui créditaient Alassane Ouattara de 54,1% contre 45,9% au président sortant.

Le Conseil constitutionnel aura donc tout simplement "annulé" les votes à Bouaké et dans 8 autres départements du nord, sous contrôle de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de 2002, où selon le camp Gbagbo le scrutin avait été "frauduleux" et où, selon toute vraissamblance, Alassane Ouattara aura obtenu un large soutien dans les urnes.

L’ONU et les principales missions d’observation internationales avaient pourtant jugé que le scrutin s’était globalement déroulé d’une manière correcte et démocratique, malgré quelques incidents parfois violents.

Le Premier ministre ivoirien Guillaume Soro (chef de l’ex-rébellion qui tient le Nord depuis le putsch raté de 2002) a demandé vendredi "instamment" au représentant de l’ONU dans le pays de se prononcer sur les résultats de la présidentielle du 28 novembre, objet d’un grave conflit entre Commission électorale et Conseil constitutionnel.

M. Soro "demande instamment" au représentant de l’ONU Youn-jin Choi de "certifier les résultats du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010 afin de lui permettre de tirer toutes les conséquences juridiques et politiques du processus électoral".

M. Choi est en effet chargé par le Conseil de sécurité de "certifier" que les étapes du processus électoral fournissent "toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielle et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes conformément aux normes internationales". Il avait jugé que ces garanties avaient été offertes lors du premier tour, le 31 octobre.

Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la Côte d’Ivoire, YJ Choi, qui avait pour mandat de certifier les résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre, a estimé que les résultats annoncés par le Conseil constitutionnel ivoirien et qui donnaient vainqueur le Président sortant Laurent Gbagbo « ne correspondaient pas aux faits ».

La France appelle "au calme et à la responsabilité"

La France appelle les Ivoiriens "au calme et à la responsabilité" dans l’attente de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle qui doivent respecter la volonté des électeurs, a déclaré ce vendredi le ministère français des Affaires étrangères.

"Nous appelons au calme et à la responsabilité", a déclaré lors d’un point-presse le porte-parole du ministère, Bernard Valero.

Comme la présidence française dans la nuit, le porte-parole a souligné que la Commission électorale indépendante (CEI), qui a annoncé la victoire de l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara sur le président sortant Laurent Gbagbo, avait "effectué un travail remarquable avec beaucoup de rigueur".

"Nous souhaitons que les principaux acteurs se conforment au respect de la volonté populaire et respectent le jeu de la démocratie", a-t-il ajouté.

Il a également exprimé sa "préoccupation" à propos de la suspension de la diffusion en Côte d’Ivoire des médias radio-télévisés d’informations étrangères.

"Nous souhaitons qu’elle puisse être levée le plus rapidement possible", a-t-il dit. "Nous sommes attachés à l’accès des citoyens à l’information", a ajouté le porte-parole.


La Côte d’Ivoire depuis 2000

La Côte d’Ivoire depuis l’arrivée au pouvoir de Laurent Gbagbo en 2000

Source : Africa n°1

La Côte d’Ivoire, depuis l’arrivée au pouvoir de Laurent Ggagbo en 2000 : une décennie marquée par une série de crises politico-militaires :

 26 oct 2000 : L’opposant historique Laurent Gbagbo accède à la présidence à l’issue d’une élection controversée dont ont été exclus Henri Konan Bédié (ex-président renversé en décembre 1999) et l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara. L’investiture a été précédée de trois jours de violences politiques.

 19 sept 2002 : Début d’une rébellion militaire, avec des attaques visant le coeur du pouvoir à Abidjan, Bouaké (centre) et Korhogo (nord). Elle échoue à renverser M. Gbagbo et se replie sur le nord, dont elle prend le contrôle.

 24 jan 2003 : Les principaux partis et les mouvements rebelles signent à Marcoussis (France) un accord prévoyant un partage du pouvoir, avec un gouvernement de réconciliation dans lequel entrent les rebelles. Manifestations antifrançaises pour dénoncer les accords.

 4 nov 2004 : Relance du conflit par des raids aériens contre des rebelles.

 6 nov : Neuf soldats français sont tués dans un raid loyaliste à Bouaké, entraînant la destruction par les militaires français de l’aviation ivoirienne. Manifestations antifrançaises et exactions provoquent le départ de plus de 8.000 Français. Au moins 57 civils ivoiriens sont tués par l’armée française. Le 15, sanctions de l’ONU contre le pouvoir.

 21 oct 2005 : L’ONU accepte le maintien de M. Gbagbo à son poste au terme de son quinquennat, en lui adjoignant un Premier ministre doté de "tous les pouvoirs nécessaires". En décembre, Charles Konan Banny est nommé Premier ministre.

 4 mars 2007 : Laurent Gbagbo et le chef de la rébellion rebaptisée Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro signent l’accord de paix de Ouagadougou. Le 29, Soro devient Premier ministre.

 29 nov 2009 : L’élection présidentielle est reportée pour la sixième fois depuis 2005.

 9 sept 2010 : Adoption de la liste électorale définitive, deux ans après le début du recensement et à l’issue de nombreux retards et conflits entre acteurs politiques.

 31 oct : Premier tour de la présidentielle dans le calme. Laurent Gbagbo (38%) et Alassane Ouattara (32%) se qualifient pour le second tour, fixé au 28 novembre.

 28 nov : Le second tour se déroule dans un climat tendu, marqué par la mort de trois personnes dans l’ouest et des incidents localisés, portant le bilan des violences à au moins sept morts en quatre jours. L’ONU estime que le scrutin "s’est tenu globalement dans un climat démocratique".

 30 nov : Le camp Ouattara accuse Gbagbo de vouloir "confisquer le pouvoir" tandis que des représentants de Gbagbo empêchent l’annonce des résultats, dénonçant un "hold-up électoral".

 1er déc : Le camp Gbagbo veut l’annulation des votes "frauduleux" dans des régions du nord dont celle de Bouaké (centre), fief de l’ex-rébellion.

 2 déc : La CEI annonce la victoire de Ouattara avec 54,1% des voix, des résultats provisoires aussitôt rejetés par le Conseil constitutionnel, présidé par un proche de Gbagbo, qui annonce ce dernier vainqueur...

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 3/12/2010

[1dont tous les observateurs avaient salué le travail et l’impartialité

[2tel que l’appellent les médias internationaux

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