« Si tu veux la guerre, prépare la guerre ! »
Opération banlieue - un livre d’Hacène Belmessous
Nous avions lu le double article de Lémi et JBB, autour de l’interview réalisée par Article XI d’Alèssi Dell’ Umbria, auteur du livre sur les émeutes de 2005, "C’est de la racaille ? et bien j’en suis" (l’Echappée, 2006*), le livre de Mathieu Rigouste, "L’Ennemi Intérieur" et le lien qui y est fait entre les guerres coloniales et l’application de la doctrine de la "guerre révolutionnaire" dans l’hexagone (et bien sûr, dans les colonies, DOM et TOM...).
Le Comité Invisible semblait quant à lui appeler à l’insurrection. "Le monde peut continuer sa tranquille course au gouffre" :
"Les accents de fascisme désespéré qui empuantissent l’époque, l’incendie national de novembre 2005, la rare détermination du mouvement contre le CPE, tout cela est témoin d’une extrême tension dans la situation.
Tension dont la formule est la suivante : nous percevons intuitivement l’étendue de la catastrophe, mais nous manquons de tout moyen pour lui faire face.
(...)
L’insurrection qui vient nous sort de trente ans où l’on n’aura cessé de rabâcher que « l’on ne peut pas savoir de quoi la révolution sera faite, on ne peut rien prévoir ».
(...)
Tout ce que l’on peut en dire ici, c’est qu’elle tourne autour de l’appropriation locale du pouvoir par le peuple, du blocage physique de l’économie et de l’anéantissement des forces de police. "
"L’anéantissement des forces de police..."
Un ouvrage d’Hacène Belmessous vient de sortir (octobre 2010), chez La Découverte, qui revient sur les techniques militaro-policières de contre-guérilla urbaine qui sont en train de se mettre en place en France, et plus particulièrement "en banlieue".
Après le fichage généralisé et la mise en place d’une véritable police politique - avec notamment la création de la DCRI - un éclairage de plus sur la doctrine française de la Guerre Révolutionnaire (voir le dossier qui y est consacré sur le site de La Nuit rwandaise) et sur ce qui attend, comme nous le rappellent tristement les "inculpés" de la non-affaire de Tarnac, les opposants politiques français et ceux, de plus en plus nombreux, qui refuseront de laisser le gouvernement et le patronat français accomplir sans entraves leur contre-révolution conservatrice.
La « bataille d’Alger » en métropole ? En banlieue lyonnaise, grenobloise ou parisienne ? A Pointe-à-Pitre ?
Il semblerait que tout soit mis en place pour nous y conduire...
Présentation
Entre 1977 et 2003, la politique de la ville visait à « réinjecter du droit commun » dans les quartiers d’habitat social. Mais depuis, derrière les grands discours, une autre politique se déploie discrètement : la préparation d’une guerre totale aux cités, transformées en véritables ghettos ethniques, chaudrons sociaux dont le « traitement » ne relèverait plus que de l’éradication ou de la force armée.
Voilà ce que démontre cette enquête implacable d’Hacène Belmessous, nourrie de documents confidentiels, de témoignages d’acteurs de la « sécurité urbaine » ? politiques, urbanistes, policiers, gendarmes et militaires ? et de visites des lieux où militaires et gendarmes se préparent à la contre-guérilla urbaine.
Il explique ainsi qu’un objectif caché des opérations de rénovation urbaine est de faciliter les interventions policières, voire militaires, à venir dans ces territoires. Et il montre comment, à la suite des émeutes de 2005, deux nouveaux intervenants ont été enrôlés par le pouvoir sarkozyste : la gendarmerie mobile et l’armée de terre.
Car avec l’adoption en 2008 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’idée d’un engagement des forces terrestres en banlieue n’est plus un tabou. Mais s’ils se disent loyaux envers le chef de l’État, nombre d’officiers interrogés récusent ce « scénario de l’inacceptable ».
Quant aux gendarmes, ils contestent ouvertement leur rapprochement avec la police, tandis que nombre de policiers, aujourd’hui en première ligne, récusent la militarisation croissante de leur action.
Autant de révélations inquiétantes, pointant les graves dérives d’une politique d’État ayant fait sienne un nouvel adage : « Si tu veux la guerre, prépare la guerre ! »
* C’est de la Racaille ? Eh bien, j’en suis ! (L’échappée, 2006) d’Alèssi Dell’Umbria a été rebaptisé, depuis la réédition du titre par Agone en La rage et la révolte, avec une postface sur ce qui s’est passé depuis les émeutes de 2005.
A lire :
"C’est de la Racaille ? Eh bien, j’en suis !" : retour sur les émeutes de novembre 2005 (Article XI)
Novembre 2005, un frisson d’angoisse traverse l’échine froussarde d’une République coupable d’abandon. Le grand incendie se déchaîne pendant trois semaines, avant de se calmer. Le phénomène restant largement caricaturé, le livre d’Alèssi Dell’ Umbrio, "C’est de la racaille ? Eh bien, j’en suis !", permet de revenir intelligemment sur les ressorts d’une émeute qui en appelle d’autres. Lecture.
David Dufresne, Maintien de l’Ordre, l’enquête, Hachette Litterature, 2007.
Un an d’enquête. Trois cents pages. Une quarantaine d’interviews. Des documents inédits de la place Beauvau ou de la Préfecture de police de Paris : cette enquête retrace l’histoire de la rue comme espace de contestation. De l’ordre et du désordre. Et du maintien de l’ordre comme instrument politique. Avec, en ligne de mire, deux événements majeurs comme deux symboles de cette France qui s’embrase : les émeutes de 2005 et la fronde anti-C.P.E.
Opération banlieue, Hacène Belmessous, La Découverte, 2010.
Hacène Belmessous, journaliste et chercheur indépendant, collaborateur régulier de la revue Urbanisme, est notamment l’auteur, à L’Atalante, de Mixité sociale : une imposture. Retour sur un mythe français (2006) et Le Nouveau Bonheur français, ou le monde selon Disney (2009), et co-auteur de Les Minorisés de la République. La discrimination au logement des jeunes générations d’origine immigrée (La Dispute, 2006).
Prix : 15 €
ISBN : 9782707159120
Édition : La Découverte
Dimensions : 135 * 220 mm
Façonnage : Broché
Nb de pages : 204
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